Le pavé anthropolgique de l'été (08/09/2009)

644 pages, 240 « diagrammes de structure », c'était le pavé de l’été idéal pour un Serial Mapper !

 

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François Heran (1) dans cette somme consacrée aux figures de la parenté déboulonne 2 figures mythiques Claude Levi-Strauss et .. Jacques Bertin.

 

En effet comme son titre peut le laisser deviner cet ouvrage est au moins autant dédié aux structures élémentaires de la parenté qu’à leur mise en scène.

Dès le début du livre l’auteur constate à propos des polémiques autour des théories de la filiation qu’« appuyés sur un meilleur outil graphique, ces débats auraient gagnés en clarté ». Font figure d’accusé ici Claude Levi-Strauss (2) et une bonne partie de ses affidés qui n’ont pas su se doter des outils graphiques adéquats. Ainsi « les 4 structures élémentaires de la parenté (…) sautent aux yeux sur les diagrammes de structures mais, faute d’outils maniables, elles n’ont émergé dans la littérature qu’au prix d’un long labeur ».

Jacques Bertin lui-même s’est attaqué au problème mais ses diagrammes linéaires rencontre un « problème de fond » : « la distinction des sexes n’était pas un principe structurant de la représentation mais une qualité seconde du tracé. Bertin réservait spontanément le tracé de base aux hommes et se contentait de « marquer » les segments féminins par des pointillés ou des traits plus fins. Aussi l’œil ne percevait-il pas d’emblée les modifications de trajectoire qui aiguillent différemment les hommes et les femmes d’un système de parenté à l’autre. ».

Cependant Fraçois Heran poursuit « curieusement la solution m’attendait dans un autre texte de Bertin (…) (qui) mentionnait un résultat de la psychologie de la perception qui remontait à la Gestaltthéorie, à savoir le médiocre rendement visuel des variations de formes ou de couleur, comparé à celui des contrastes d’orientation. Sachant que les systèmes de parenté se différencient avant tout par le sens de circulation des alliances, j’eus l’idée de convertir cette propriété graphique en un postulat fondamental des diagrammes de parenté. Le principe était simple : limiter la trajectoire des individus d’un sexe donné à une seule orientation, soit verticale, soit oblique, l’autre orientation étant réservée au sexe opposé, »

 

Pourtant bon nombre de spécialistes des structures de la parenté ont cru détenir le graal suite au fameux appendice du mathématicien André Weil dans les structures élémentaires de la parenté de 1949. François Heran juge cependant qu’il s’agit là de travaux plus proches de la récréation mathématique que de la recherche de pointe (3).

Soixante ans après le même constate « il y a bien une mathématique de la parenté, mais elle porte sur des objets si simples qu’elle peut toujours se ramener à une mathématique sensible, une mathématique à l’œil nu » qui s’incarne dans les choix de mise en scène de ses diagrammes de structures.

Trop de formalisation et d’équations assèchent les théories : impossible de les critiquer sans utiliser les mêmes armes. A l’opposé le tracé des figures permet, lui, une lecture ouverte : un « changement radical d’interprétation laisse intact le tracé de la figure : il relève de la légende ou du commentaire ».

 

Au final il faut rester modeste « l’acteur est le grand absent des approches structurales »(4) et plus généralement « les réseaux doivent beaucoup aux stratégies mais il est impossible de déduire la stratégie des seuls réseaux » . Cette dernière remarque me parait d'une rare pertinence ...


 

(1)« Après des années de terrain en Andalousie et dans les Andes, François Heran a mené des études sur le choix du conjoint, la sociabilité, l’éducation, l’abstention électorale, la transmission des langues. Il a dirigé L’INED (Institut National d’Etudes Démographiques) de 1999 à 2009 » Source : quatrième de couverture

(2)François Heran reproche également à Claude Levi-Strauss de ne pas avoir reconnu sa dette vis à vis de Marcel Granet « le fondateur refoulé ».

(3)D’ailleurs André Weil n’a pas poursuivi dans le domaine … ni Claude Levi-Strauss d’ailleurs

(4) Dont continue à se réclamer François Heran

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